« La fertilité ça ne s’achète pas, ça se produit à la parcelle ! »

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Fini le fumier et les « poudres de perlimpinpin » pour que la vigne reste productive. Pour ces experts de l’agroécologie, mieux vaut arrêter de travailler le sol, semer des couverts végétaux et planter des arbres.

Lorsque vous arrivez dans votre parcelle au petit matin, est-ce que ça sent la terre, le champignon ? Est-ce que votre sol est bien noir et moelleux sous vos pieds ? Non ? Dans ce cas, votre vigne est comme 95% des vignes françaises. Elle perd de la biodiversité et court un danger de mort ». Ce 10 mai à Villeveyrac, dans l’Hérault, Hervé Coves et ses trois acolytes agronomes « spécialistes des sols vivants » exhortent 300 vignerons à ne plus miser sur le fumier et « autres poudres de perlimpinpin » mais à opérer un vrai changement de pratiques pour retrouver de la productivité.

« En ce moment c’est la mode du biochar, un produit vieux comme l’Antiquité, mais la fertilité ça ne s’achète pas, ça se produit à la parcelle ! » tacle Alain Canet, directeur d’Arbre et Paysage 3. Parmi leurs préconisations ? L’arrêt du travail du sol, « l’acte de production le plus polluant d’un vigneron, bien plus destructif de l’écosystème que les pesticides », l’implantation de couverts, et le retour des arbres.

« On a tous appris que le bois est l’ennemi d’une parcelle agricole. Si vous voulez restaurer rapidement une parcelle devenue un tas de caillou il vous suffit pourtant de benner du bois par-dessus et cultiver dedans » pose Konrad Schreiber.

Alors que les douze tomes de Jules Guyot regorgent d’agroforesterie, et qu’au 19ème siècle les agronomes recommandaient de ne pas laisser plus de 400 arbres à l’hectare, « aujourd’hui, où est le vieil arbre le plus proche de vos vignes ? » enchaîne Hervé Coves, assurant qu’il faut au moins un très vieil arbre de plus de 250 ans pour 100 hectares et un vieil arbre de plus de 80 ans par hectare.

L’arbre est un outil de production

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« C’est ce qu’on mesure dans les savanes africaines. Vous pouvez épandre de litière forestière fermentée chaque année mais pour rendre vos systèmes réellement résilients, vous devez surtout laisser réémerger les arbres. Voyez l’arbre comme un outil de production, faites des trognes et balancez le bois au sol pour stimuler la vie du sol via les réseaux mycorhiziens et créer une zone d’hyper humidité pour éviter que la vigne ne se dessèche ! » martèle-t-il.

Les conférenciers rappellent que les chauves-souris ont besoin des arbres pour se guider et chasser eudémis. Et expliquent que « mettre du bois dans les sols est le meilleur moyen de lutter contre les nématodes. Pour le décomposer, les champignons ont besoin de protéines : il attrape les nématodes et les digère. Finies les viroses ! »

« Est-ce qu’il y a des cons dans la salle qui détruisent la folle-avoine dans les vignes ? » provoque ensuite Alain Canet. « C’est la plante la plus mirauleuse du monde ». D’abord parce qu’elle germe à 10 cm de profondeur et parce que sa levée de dormance a lieu lors d’une sécheresse de printemps. Ensuite, parce qu’en 3 mois, « elle va plus vite que tout le monde, fait des graines et des fleurs pour nourrir les oiseaux qui vont les redisséminer, et qu’elle produit un paillage protecteur pour tout l’été capable d’abaisser la température du sol de 40 à 20/25°C ». En se dégradant, la paille génère des fusarioses, des champignons produisant de l’acide fusarique, un anti-mildiou très puissant.

Anti mildiou et oïdium

« Les fusarioses sont aussi efficaces contre d’autres maladies, comme l’oïdium. Certains labos sont en train d’en sélectionner pour créer nouveaux produits de traitement mais personne ne nous forme à construire un système où la biologie présente à tous les étages fait le job toute seul » regrette Konrad Schreiber, avant de demander : « Le mildiou mange la vigne, la fusariose mange le mildiou, mais qui mange la fusariose ? Le vr de terre, qui ne mange pas que de la matière ligneuse mais adore aussi les graminées décomposées ».

Le quatuor incite aussi les vignerons à laisser pousser la luzerne d’Arabie et la fausse roquette. « Tout le monde s’escrime à la détruire alors qu’il suffit de la rouler et de la laisser mourir quand elle arrive en fleurs pour apporter de l’azote à la vigne ».

Pour Hervé Coves, l’avenir des vignobles confrontés à la sécheresse passe aussi par des plantes telles que le nerprun alaterne, des plantes à feuillage froid sur lequel la vapeur d’eau se condense. « Comme le lierre ou la salse, les feuilles du nerprun alaterne contiennent des cristaux d’oxalate de calcium qui captent l’eau à leur surface et la font pénétrer dans le réseau de sève élaborée. En se diluant, la plante entre dans un état de stress. Ses champignons endomycorhiziens sortent l’eau en excès pour la remettre dans le sol. D’après des mesures réalisées en Corrèze pendant une canicule cette plante peut faire rentrer entre2 à 4 litres d’eau par m² de sol par jour ».

Et les chantres de l’agroécologie de conclure après quatre heures d’exposé : « Sol nu, sol foutu, sol couvert, sol prospère ! »

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