Billet de vendanges : le biochar, prochaine révolution viticole ?

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Le billet de vendanges de Jeremy Cukierman sur l’utilisation du biochar pour lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre en milieu viticole.

Faut-il considérer le biochar, ce charbon végétal obtenu par pyrolyse de biomasse de résidus végétaux agricoles ou viticoles, comme une véritable révolution agronomique ? Peut-être car il pourrait bien s’agir d’une arme efficace pour lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre en milieu viticole. Pour le dire autrement, les résidus de la vigne pourraient soigner la vigne.

Tâchons d’y voir un peu plus clair et de relever les qualités de l’amendement avec du biochar. Car ce charbon d’origine végétale qui peut être produit à partir de pulpe, de marc de raisin ou encore de sarments ouvre quelques pistes intéressantes.

Poreux, le biochar permet d’aérer les sols, facilite l’infiltration de l’eau et limite son évaporation. Riche en carbone, il se dégrade très lentement, ce ui favorise la “séquestration” du carbone dans les sols, et ce, potentiellement pendant des milliers d’années.

Dans un contexte de fort stress hydrique, il peut stimuler la production de matière végétale et le développement foliaire, et grâce à la photosynthèse permettre d’absorber une plus grande quantité de dioxyde de carbone. Implanté dans le Roussillon, le domaine Lafage l’a expérimenté sur les millésimes 2021 et 2022. Les résultats sont très prometteurs. Car en comparant deux vignes soumises aux mêmes conditions géologiques et climatiques, l’une amendée avec du compost et l’autre avec le même compost et du biochar, Jean-Marc Lafage a constaté que la production de matière végétale de la deuxième vigne avait presque triplé.
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Il a également noté que lors d’épisodes de stress hydrique prolongés, le biochar stimule l’implantation racinaire de la vigne, les radicells plongent plus en profondeur pour puiser l’eau dont la plante a besoin. La faible percolation est aussi captée par le biochar qui restitue l’eau aux racines. Même constat du côté de l’Institut Français de la Vigne et du Vin, qui confirme, après plusieurs tests en Val de Loire, que les qualités physico-chimiques de ces matières carbonées ont un intérêt certain, notamment dans la réduction du stress hydrique.
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Mais l’utilisation du biochar pose plusieurs questions. Très alcalin, il fait monter le pH du substrat. Un avantage pour les sols acides, un handicap pour les sols déjà très alcalins, puisque l’amendement avec du biochar accentuerait certaines chloroses, notamment celle du fer. Il serait donc à proscrire sur les sols kimméridgiens de Chablis, de Sancerre ou sur la craie champenoise. Il faut aussi écarter l’hypothèse de la phytotoxicité du biochar, sa stabilité à très long terme n’étant pas encore prouvée. Et quid de son impact sur la maturation des baies et leur comosition ?

Enfin, pour produire du biochar, il faut un important volume de résidus viticoles. À l’heure actuelle, il est quasi impossible de se cantonner à cette seule source, il faut la compléter avec d’autres apports végétaux. Le coût du biochar est donc élevé, plus de 2 000 euros à l’hectare. Un impact économique à contrebalancer avec les avantages constatés, notamment les rendements en année chaude et sèche.

En résumé, le biochar pourrait être une piste sérieuse pour lutter contre le réchauffement climatique, à condition toutefois de valider les premiers résultats très encourageants avec des expérimentations sur un plus long terme. Mais aussi développer les moyens technologiques pour produire le biochar et en réduire le coût afin de parler d’une solution à la fois efficace et pérenne.

Retrouvez cet article dans La Revue du vin de France de mai, en kiosque le 26 avril. Si vous n’êtes pas abonné, abonnez-vous pour consulter en ligne le magazine et nos dossiers.

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